
L’objectif pour cette année est de vous sensibiliser au fait que les droits sont quelque chose de fragile. Il faut donc continuellement les défendre au risque de les perdre.
Focus sur le droit à l’avortement
La CGT a toujours participé et défendu pleinement le droits des femmes en appelant notamment à la grève pour appliquer l’égalité de salaire. Obligation qui n’est toujours pas appliquée.
Le samedi 8 mars, c’est la journée internationale de luttes pour les droits des femmes couplée avec les 50 ans de la loi Veil1, un bon prétexte pour faire un petit état des lieux de l’IVG en France.
Jaugeons l’évolution de la « grande cause du quinquennat » depuis 2017, découvrons d’où vient la loi Veil, qui en veut à l’avortement aujourd’hui, quelle place pour ce sujet au travail et où trouver des informations fiables et concrètes.
Un peu d’historique : La naissance de la loi Veil
Cette année, ce sont les 50 ans de la loi Veil, loi dépénalisant l’avortement en France. L’objectif ici est de montrer qu’une loi apportant de nouveaux droits s’appuie toujours sur des mobilisations de militant·e·s.
Le Mouvement français pour le planning familial
Fondé en juin 1960, le MFPF œuvre depuis sa création pour l’information en matière d’éducation sexuelle, pour le droit à la contraception, l’avortement et le contrôle des naissances. Il conteste la loi de 1920 interdisant la contraception et l’avortement (Déjà à l’époque, comme un air de « réarmement démographique »…) et ouvre les premiers centres du Planning Familial entre 1961 et 1967.
Manifeste des 343
Le 5 avril 1971, un appel à la légalisation de l’avortement en France est signé par 343 françaises2 dont des militant·e·s du MLF (Mouvement de libération des femmes3) revendiquant avoir avorté et s’exposant ainsi à des poursuites. Ce manifeste réclame un avortement libre et gratuit. À l’époque, un projet de loi visait à étendre l’avortement thérapeutique (toléré depuis 1852 uniquement en cas de danger pour la mère) aux grossesses faisant suite à un viol, ce que ces femmes considéraient comme insuffisant.
Méthode de Karman
En août 1972, une démonstration de la méthode Karman4 est organisée par des militant·e·s du MLF en dépit de la pénalisation de l’avortement. La diffusion de cette méthode par le GIS (Groupe d’Information Santé) a permis d’infléchir le nombre de décès liés aux avortements clandestins avant même la législation.
Le procès de Bobigny
Octobre et novembre 1972. Dans ce procès au fort retentissement médiatique, Gisèle Halimi défend Marie-Claire Chevalier accusée d’avoir avorté suite à un viol et les quatre femmes l’ayant aidée5. Ce procès devient le procès de la loi de 1920 et une tribune pour les militant·e·s en faveur de la légalisation de l’avortement. À la suite de ce procès, les condamnations pour avortement baisseront drastiquement.
Manifeste des 331
Quelques mois plus tard, le 3 février 1973, un nouveau manifeste parait sur le principe du Manifeste des 343, signé cette fois par 331 médecins revendiquant avoir pratiqué des avortements6.
Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception (MLAC)
En avril de la même année, est créé le MLAC (Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception7) qui regroupe des militant·e·s des groupes précédemment cités. Il sera dissous en février 1975, après le vote de la loi Veil, le 17 janvier.
Le droit à l’avortement toujours menacé
D’une manière générale, la montée de l’extrême droite s’accompagne du recul des droits des femmes8 ! La tendance actuelle appelle donc à la vigilance.
Des conséquences concrètes à travers le monde
L’annulation de l’arrêt Roe vs Wade aux États-Unis a eu des répercussions immédiates sur l’accès à l’avortement à travers les différents états : du durcissement des conditions d’accès à l’interdiction pure et simple, les populations les plus fragilisées sont les premières à en payer le prix. Une étude de 2024 sur le Texas9 a notamment remonté une hausse des malformations à la naissance, une augmentation des enfants morts-nés, une hausse des complications à la grossesse.
Au Sud du continent, après avoir autorisé l’IVG en 2020, l’Argentine a du souci à se faire avec un président, Javier Milei, qui expliquait l’année dernière devant des lycéens qu’il considère l’avortement comme un meurtre et les militant·e·s pour l’IVG comme des assassins10.
Plus proche de chez nous, la Hongrie et sa politique nataliste (Vous avez dit « réarmement »?) lâche la bride aux hôpitaux qui refusent de pratiquer les avortements, font pression sur les cliniques qui ne décourageraient pas les femmes demandant à avorter. Femmes qui sont tenues, elles, d’écouter les battements de cœur du fœtus avant de pouvoir avorter11.
L’Italie de Méloni n’est pas en reste en autorisant des groupes de lutte contre l’avortement sans aucune qualification médicale à avoir accès aux femmes désireuses d’avorter12. Parce que pour s’informer, rien ne vaut les incompétents dogmatiques qui ne seront plus là quand vous devrez assumer les conséquences du choix qu’ils veulent vous imposer.
À ce jour, en Europe, seuls Malte et la Pologne continuent d’interdire l’avortement sauf en cas de danger pour la mère, de viol ou d’inceste.
On observe donc que sans lutte perpétuelle, les droits peuvent se perdre. Ce ne sont pas des acquis, mais des conquis.
Les “féministes d’extrême-droite” : des ami·e·s qui ne vous veulent pas du bien
Quand ils n’éludent pas tout simplement la question, considérant qu’il ne s’agit pas là de « violences concrètes » ou de « sujets touchant toutes les femmes », les organisations d’extrême droite s’affichent frileusement pour un droit à l’IVG. Dans les faits, ils refusent par la suite de s’impliquer dans les décisions politiques en faveur de l’IVG, comme voter la résolution relative à l’inscription du droit à l’avortement dans la Charte des droits fondamentaux de l’UE (quand ils ne votent pas tout simplement contre) ou comme la résolution condamnant l’interdiction de facto de l’avortement par la Pologne.
Se battre pour ses droits et plus encore !
La CGT défend l’inscription du droit à l’IVG dans la Constitution qui aurait été plus protectrice13. C’est finalement le terme de « liberté garantie » qui a été retenu par les parlementaires. C’est bien, mais c’est insuffisant ! Si cette inscription est un signe positif envers les droits des femmes, il reste encore de nombreux freins à l’accès à l’avortement.
La formulation retenue dans la Constitution précise qu’aucune loi ne pourra explicitement interdire l’interruption volontaire de grossesse. En revanche, c’est bien la loi qui définit de quelle façon il sera possible d’exercer cette liberté. Restreindre les conditions d’accès est toujours possible : limiter l’avortement à 8 semaines d’aménorrhée14, l’interdire aux mineurs sans l’accord des parents, imposer de voir et d’entendre le fœtus, etc.
Cette formulation ne remet pas non plus en cause la double clause de conscience15. La double clause de conscience permet aux médecins de refuser de procéder à l’interruption volontaire bien qu’il soit tenu de fournir le nom d’un praticien qui acceptera de le faire. Pourtant, d’après des témoignages, tous les praticiens ne suivent pas ces règles, annoncent tardivement leur refus ou ne fournissent pas d’alternative, causant du retard dans une prise en charge dont le temps est compté. D’après le Planning Familial, 54% des femmes ont dû attendre plus de 7 jours pour avoir un rendez-vous16. Une semaine de retard, c’est le temps qu’il faut pour ne plus respecter les critères d’une IVG médicamenteuse, voire pour certaines, d’une IVG tout court. Un répertoire des praticiens pratiquants l’IVG a été voté, mais sa faible mise en œuvre l’empêche d’être efficace.
Une autre difficulté rencontrée est de trouver une structure apte à pratiquer à proximité. Bienvenue dans les déserts médicaux. Sachez tout de même qu’un établissement public de santé est tenu de disposer des moyens permettant la pratique des IVG et qu’un établissement de santé privé habilité à assurer le service public hospitalier ne peut refuser de pratiquer des IVG. Si vous en avez à un moins de 45 minutes de chez vous.
Sachez enfin, qu’après une IVG, 1 femme sur 2 est repartie chez elle sans qu’on lui ait proposé d’arrêt maladie17.
Gagner des droits syndicaux
La proposition d’un arrêt en cas d’IVG devrait être systématique : les femmes ne devraient pas avoir à le solliciter. Elles ne peuvent pas anticiper l’impact psychologique de l’intervention, celui-ci étant à la fois très personnel à chacun·e et également lié à l’accueil réservé aux femmes dans la structure (pression du corps médical ou des proches, culpabilisation ou infantilisation…). Elles ne sont pas non plus maîtresses des éventuelles complications qui pourraient survenir18. Bien sûr qu’aider les collègues en pleine hémorragie aux toilettes, ça crée du lien. Mais on préfère tou·te·s que ça se fasse plutôt autour d’un café !
L’interruption volontaire de grossesse est également bien souvent absente du monde du travail alors même qu’elle est susceptible d’arriver à la moitié de la population active. Pourtant, il est possible de mettre des choses en place comme le montre la convention collective des experts automobile qui prévoit deux jours de congés sans perte de revenus en cas d’interruption volontaire de grossesse… pour les deux conjoint·e·s19 !
Ce n’est pourtant pas la panacée, ce congé exigeant un certificat médical rompant l’anonymat et le secret médical. Le jugement que subissent les femmes soupçonnées d’une sexualité active et non reproductive est hélas encore très prégnante dans notre société et le fait de dévoiler aux RH un recours à un IVG peut être un frein à profiter de ce congé.
La solution est peut-être à trouver auprès du planning familial qui demande un congé spécifique de Santé reproductive et sexuelle dont l’usage ne serait pas limité aux IVG, mais aussi à d’autres situations en rapport avec la contraception et la prévention (pose d’implant ou de stérilet, vasectomie…)20.
Point Renseignements
Ressources pour l’IVG
Pour aller plus loin et en cas de besoin, voici les organismes que vous pouvez contacter :
- Le site du Planning Familial : https://www.planning-familial.org
- Le numéro vert porté par le Planning Familial : 0 800 08 11 11
- Depuis 2023 : https://ivg.gouv.fr/
Manifestations du 8 mars : Rendez-vous dans votre ville
L’intersyndicale CGT / FSU / Solidaires appelle à une journée de grève.
Retrouvez les points de manifestation dans vos villes :
- Paris, 14h place de la république
- Nantes, 15h place Graslin
- Lille, 14h place du Théatre
- Bordeaux, 12h place de la victoire
- Toulouse, 15h au Capitole
- Montpellier, 14h place Albert 1er
- Marseille, 14h aux réformes Canebière
- Lyon, 15h place Bullecourt
- Saint-Étienne, 11h Bourse du Travail
- Grenoble, 10h Cité Internationale
Si vous êtes dans une autre ville, retrouver les rendez-vous sur cette carte.
Comme tous les droits, il faut s’organiser et se mobiliser. La CGT est une orga militante pour gagner des droits. Si vous souhaitez militer avec nous, contactez-nous pour vous syndiquer !
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_Veil
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Manifeste_des_343
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Mouvement_de_lib%C3%A9ration_des_femmes
- https://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9thode_de_Karman
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Proc%C3%A8s_de_Bobigny
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Manifeste_des_331
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Mouvement_pour_la_libert%C3%A9_de_l%27avortement_et_de_la_contraception
- https://equipop.org/wp-content/uploads/2024/05/Rapport-Quand-lextreme-droite-avance-les-droits-des-femmes-reculent-Equipop.pdf
- https://jamanetwork.com/journals/jamapediatrics/article-abstract/2819785?resultClick=1
- https://www.20minutes.fr/monde/4080052-20240307-argentine-devant-collegiens-lyceens-javier-milei-affirme-avortement-meurtre
- https://www.oxfamfrance.org/inegalites-femmes-hommes/ivg-en-europe/
- https://fr.euronews.com/sante/2024/04/24/litalie-adopte-une-loi-autorisant-les-groupes-pro-vie-a-acceder-aux-cliniques-davortement
- https://www.cgt.fr/actualites/france/droits-des-femmes/declaration-de-la-cgt-le-droit-lavortement-est-enfin-reconnu-dans-la-constitution
- L’aménorrhée est l’absence des règles ou menstruation.
- https://www.legalstart.fr/fiches-pratiques/relations-employeur-salaries/clause-de-conscience/#faq
- https://www.planning-familial.org/fr/le-planning-familial/barometre-IVG
- https://www.planning-familial.org/sites/default/files/2024-09/26092024_Synth%C3%A8se%20IFOP%202024%20-%20Barom%C3%A8tre%20IVG.pdf
- https://ivg.gouv.fr/tout-savoir-sur-livg-ou-avortement-par-voie-medicamenteuse#anchor-navigation-570
- https://www.legifrance.gouv.fr/conv_coll/id/KALITEXT000047657264/?idConteneur=KALICONT000005636009
- https://www.planning-familial.org/sites/default/files/2025-01/Plan%20d%27am%C3%A9lioration_version%20pages_Planning%20familial.pdf
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